Nullité du rapport d'expertise judiciaire

L’expert judiciaire est un collaborateur de la Justice qui est sollicité pour donner au juge un avis sur des points techniques précis. Il y a des experts dans des domaines très variés (médecine, nuisances sonores, accidentologie, comptabilité, architecture ...). Il ne peut toutefois dire droit dans son rapport. 

L’expert peut être désigné par le juge ou par les parties au procès. Son avis ne s’impose pas au juge qui reste libre dans la façon de l’utiliser pour prendre sa décision. 

Les juges peuvent faire appel aux experts judiciaires inscrits sur des listes dressées par chaque Cour d’appel en matière civile et en matière pénale. Il existe également une liste nationale d’experts spécialisés dressée par la Cour de Cassation.

Le contrôle de l’expert judiciaire est exercé par le président et par le procureur général de la Cour d’appel pour les experts inscrits sur les listes des Cours d’appels. 

Ces autorités examinent ainsi tout manquement à l’honneur et à la probité d’un expert judiciaire, par exemple en cas de rapport faussé.

Vous trouverez ci-contre un article de Maître Martin PEYRONNET avocat au barreau de Bordeaux, évoquant les possibles manquements d’un expert judiciaire. 

DECOUVREZ :

Source : Article de Martin PEYRONNET Avocat Barreau de Bordeaux spécialisé droit de l’immobilier et de la construction publié sur LINKEDIN le 6 Mars 2025

« L’expert judiciaire est tenu à des obligations strictes. Tout manquement de sa part sera de nature à entraîner la nullité du rapport.

Le plus souvent, l’irrégularité relève d’un manquement à ses missions ou d’une absence de contradictoire. 
Dans ce cas, la nullité d’un rapport d’expertise ne peut être prononcée qu’à la charge, pour celui qui l’invoque, d’établir le grief qui lui est causé. (Cass. 2e civ., 23 janv. 2020, n°19-10584).
Les manquements au contradictoire liés à une opération d’expertise relèvent de la sanction des nullités des actes de procédure des articles 175 et suivants du Code de Procédure Civile (CPC).
Il faut démontrer un grief.

Ce principe repose essentiellement sur 3 éléments ​:

1. Convocation des parties

L’expert doit s’assurer que toutes les parties sont convoquées à chaque étape de l’expertise. Une absence injustifiée de convocation peut constituer une atteinte aux droits de la défense.

2. Débat sur les constatations

Toute analyse technique réalisée sans que les parties aient pu en discuter risque d’être contestée. En effet, les conclusions de l’expert doivent être soumises à la contradiction, faute de quoi elles perdent leur valeur probante.

3. Échanges avec l’expert

Les observations formulées par les parties doivent être prises en compte par l’expert, lequel ne peut ignorer les dires ou y répondre insuffisamment.

Le plus souvent, le juge va demander à l’expert de reprendre la partie irrégulière pour la corriger, afin de ne pas faire tomber l’intégralité du rapport (article 177 CPC).

Toutefois, si le rapport est intégralement annulé, les effets peuvent varier selon le contexte :

- Une nouvelle expertise peut être ordonnée : si les circonstances le permettent, le juge peut désigner un autre expert pour reprendre les opérations,

- Le juge peut statuer sans le rapport annulé : c’est souvent l’objectif recherché par la partie contestant l’expertise, car cela prive la partie adverse d’un élément clé du dossier,

- Le rapport annulé peut encore être utilisé : Il peut être versé aux débats en tant qu’élément de fait, à condition qu’il soit corroboré par d’autres preuves. Cependant, un jugement ne peut se fonder exclusivement sur un rapport d’expertise annulé ».

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Collaborateur de la Justice, l’expert judiciaire peut se voir sanctionné les magistrats de la Cour d’appel dont il dépend du fait de manquements avérés, cette sanction pouvant aller jusqu’à sa radiation définitive.    

Enfin, l’expert judiciaire peut avoir à rendre des comptes devant les tribunaux.

C’est ce qu’a décidé la Cour de Cassation, 1ère chambre civile, dans un arrêt du 19 Mars 2025 n° 23-17696. L’expert judiciaire peut engager sa responsabilité civile délictuelle pour avoir commis une faute dans le cadre de la mission confiée par le juge.   

En l’espèce, une copropriétaire avait lancé une procédure en référé contre le constructeur en raison d’infiltrations au niveau des menuiseries extérieures et autres désordres. L’expert désigné ne retient qu’une partie des désordres relevant de la garantie décennale et dépose son rapport. Dans la procédure contre le constructeur, la requérante a été déboutée. Elle a alors estimé que ce rapport lui avait fait perdre des chances d’obtenir gain de cause contre le constructeur de sa maison et qu’elle en avait été en partie privée de ces chances du fait des imprécisions du rapport d’expertise judiciaire.

Les juges successifs ont considéré que les conclusions de l’expert judiciaire étaient hypothétiques, non étayées ou que des sondages nécessaires n’avaient pas été réalisés. Dès lors, ils ont reconnu que l’expert judiciaire avait fait perdre à la requérante dans son action judiciaire, une chance d’obtenir gain de cause face au constructeur, cette perte de chance ayant été évaluée à 40% par les juges. L’expert judiciaire et son assureur ont été condamnés à verser à la plaignante près de 100 000€, dont 85 500 € en réparation de la perte de chance de gagner le procès contre le constructeur.     

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